L’ancien joueur du Nîmes Olympique était réputé pour sa fougue sur le terrain mais depuis l’arrêt de sa carrière en 2010 il s’est reconverti dans le secteur médical. Après un passage chez les pompiers et deux ans au CHU de Caremeau, il est aujourd’hui infirmier libéral. Il a trouvé sa vocation et s’épanouit en prodiguant des soins à ses patients. Une reconversion étonnante mais aussi une petite piqûre de rappel pour se souvenir que les footballeurs peuvent aussi être des chics types.
Impulsif, rugueux et se laissant parfois empoter par sa fougue. C’est ainsi que les supporters qui s’en souviennent pourraient décrire Benjamin Oliveras. Celui qui a porté le maillot du Nîmes Olympique de 2004 à 2007 a en effet souvent été sanctionné d’un expulsion pour excès d’engagement. Quatre cartons rouges en trois saisons dont un alors qu’il n’était même pas sur le terrain. « C’était à Roye, j’étais sur le banc des remplaçants et j’ai contesté une décision de l’arbitre avec des propos grossiers » se souvient-il.
Le 9 janvier 2005, Nîmes Olympique vient d’éliminer Saint-Etienne en 32e de finale de la coupe de France et les Crocodiles jubilent (photo tirée du journal des Crocos n°1)
Un écart de langage qui lui fait rater la match suivant. Pas n’importe quel match, celui face à Sochaux en quart-de-finale de la coupe de France. Une des plus fortes émotions de ces vingt dernières années au stade des Costières : « J’étais seul dans les tribunes et je ne tenais pas en place ». Nous sommes alors dans les années où les Crocodiles tentent de remonter en Ligue 2, sans y parvenir. La galère certes sur le terrain mais Benjamin trouve un groupe soudé, sympa et un club que l’on pourra qualifier de familial.
«Il saignait et l’arbitre a pensé que la faute c’était volontaire»
« Je n’avais qu’un an de contrat, mais Jean-Louis Gazeau m’avait verbalement promis une prolongation, se souvient l’ancien Croco. Malgré le départ de Didier Ollé-Nicole et l’arrivé de Régis Brouard qui avait d’autres plans, le président Gazeau a tenu la promesse. D’ailleurs quand mon aventure nîmoise a pris fin en 2007, ce dernier m’a conseillé et il m’a même trouvé un autre club ». Le club en question était le FC Rouen entraîné par l’ancien nîmois Éric Garcin mais Benjamin ne veut pas s’éloigner du Sud et il choisit plutôt Arles-Avignon coaché par Michel Estevan, lui aussi ancien nîmois.
De l’autre côté du Rhône, il écope là encore d’une expulsion qui lui coûte cher « à la lutte avec Loïc Chaveriat, je lui tombe dessus et je le blesse involontairement à une pommette. Il saignait et l’arbitre a pensé que la faute était volontaire. J’ai un pris un rouge et un match de suspension mais le temps que la LFP se prononce il s’était écoulé sept journées. Une fois sur le terrain c’était important de défendre mon camp. Cela entraînait des cartons rouges directs, souvent par maladresse et aussi à cause d’un manque de lucidité.»
Les crampons de Marius Trésor et un match de Ligue 1
Benjamin n’a que 28 ans, mais une vilaine blessure aux ligaments d’une cheville le pousse à réfléchir sur une carrière de footballeur qui a débuté au centre de formation des Girondins de Bordeaux où il avait joué avant-centre en concurrence avec Pascal Feindouno. « Un jour où j’avais oublié mes crampons, Marius Trésor (ancien capitaine de ‘l’équipe de France), qui était le responsable du centre de formation, m’a prêté les siens pour jouer. Quand je l’ai dit à mon père il m’a répondu « Tu ranges ses crampons soigneusement et tu ne les mets plus jamais ». Marius Trésor est d’une telle gentillesse et c’est un joueur mythique alors mon père voyait ses chaussures comme des reliques. ».
En Gironde, Benjamin connait même la joie d’une apparition en Ligue 1 contre Nantes pour le derby de l’Atlantique : « L’entraîneur Elie Baup m’avait fait comprendre de ne pas me laisser faire. Sur mon premier ballon je fais tomber deux Nantais dont Sylvain Armand et je prends un carton jaune. » Il n’y a pas de suite dans l’élite à cette première et l’aventure se poursuit à Trélissac puis au Stade de Reims avec une montée en Ligue 2. Puis viennent Nîmes et Arles-Avignon. Au fil des années, l’attaquant recule en milieu récupérateur puis en latéral-droit
« J’ai compris que c’était cela que je voulais faire »
En 2010, le moment est venu de prendre une décision importante. « Du jour au lendemain je me suis retrouvé en fin de contrat, inapte à la pratique professionnelle de mon sport et ma femme était enceinte. Je ne voulais continuer pour rien, alors j’ai cherché vers quel métier me reconvertir. Je n’y avais jamais trop réfléchi avant car quand on est footballeur on vit dans un cocon, ce n’est pas la vraie vie. ». Le hasard, par l’intermédiaire d’un ami, lui donne alors un coup de pouce et il se retrouve à passer un concours d’infirmier, au stade des Costières.
« J’y suis allé juste pour voir, sans pression et sans n’avoir rien préparé. J’ai terminé dans les 150 premiers sur 1 200. Le jour où j’ai reçu le résultat ça a été la déclic et j’ai compris que c’était cela que je voulais faire ». Il passe trois ans à l’école d’infirmier : « ça n’a pas été évident de se remettre dans les études à 30 ans. Je me levais la nuit pour réviser. » Suivront deux ans comme volontaire chez les pompiers, puis deux ans et demi au service Urgences Médico-Chirurgicales Hospitalisation du CHU de Nîmes-Caremeau. « J’ai y retrouvé une équipe incroyable et très soudée », rejoue Benjamin Oliveras, qui a fini par se lancer comme infirmier libéral.
« Le lien social que nous apportons est aussi important que les soins »
Depuis, loin du monde parfois individualiste du football, l’ancien Crocodile s’épanouit en donnant de son temps aux autres. « J’ai un plaisir énorme à prendre soins des gens. Depuis six ans, j’ai tissé des liens très forts avec mes patients. Ils ne font pas partie de ma famille, mais c’est tout comme. Je les connais par-cœur. Souvent ils ne voient plus leur famille. J’aime beaucoup plaisanter avec eux, il faut leur apporter de la bonne humeur. » Sa récompense, Benjamin la trouve dans le sourire de ses patients pour qui il est parfois le seul lien social.
L’arrivée du Covid n’a rien arrangé, car par précaution, les visites des familles se sont faites plus rares et certains sont partis sans revoir leurs proches. La tache de Benjamin consiste à faire la toilette, des pansements, des perfusions, s’assurer que le patient prend bien son traitement médical. « Cela m’arrive aussi d’ouvrir une boîte de conserve, de changer une ampoule ou d’aider pour des formalités. Le lien social que nous apportons est aussi important que les soins. »
« Quand Cristian Ferreira est arrivé du Paraguay, il n’avait que ses crampons, un sac un dos et un CD d’Elvis Presley »
À l’évocation de ses patients, sa gorge se serre et ses yeux s’embrument, car dans cette profession il y a aussi des moments très difficiles : « Quand ils partent, c’est comme si je perdais un grand-parent. » Inlassablement, l’ancien footballeur parcourt au guidon de son scooter les rues du centre-ville de Nîmes où l’attendent une cinquantaine de patients : « Je fais entre 11 et 12h de soins quotidiens sur neuf jours d’affilée enchaînés par cinq jours de repos. Ce sont des sacrifices mais on s’y retrouve. »
Benjamin a trouvé son équilibre et il s’appuie sur Marion son épouse et leur trois garçons, Thiago (11 ans), Tino (8 ans) et Tileo (2 ans). « Marion ma femme est très importante car dans ce métier il faut un vie stable, puisque parfois on revient du travail et on a gros sur la patate. » La page du football n’est cependant pas totalement tournée : « J’ai gardé des contacts avec certains anciens Crocodiles comme Romain Canales, Alain Cantareil, dont je suis le témoin de mariage, et je suis très proche et Christian Ferreira, je suis le parrain de sa fille. Quand il est arrivé du Paraguay, il n’avait que ses crampons, un sac un dos et un CD d’Elvis Presley qu’il écoutait tout le temps (rires). »
Abonné au stade de Costières et fan de l’USAM
Tous les 15 jours il retrouve les terrains avec ses copains du football, les vétérans de Poulx. Alors finis les cartons rouges ? « Oui d’autant que les tacles sont interdits (rires). » Catalan et fier de l’être, il est très attaché à la ville de Nîmes. « Les Catalans sont des gens têtus et j’ai retrouvé ce caractère ici. Je me sens bien à Nîmes. » Intégré pleinement dans la vie nîmoise, il suit les performances des clubs de sports locaux. L’USAM (où joue un de ses fils), mais aussi le Hockey et bien sur le Nîmes Olympique. « J’achète ma place et quand c’était possible je m’abonnais car j’estime ne pas avoir de passe-droit parce que je suis un ancien joueur ».
D’ailleurs il ne parle jamais de sa carrière de sportif et c’est à travers de ce portrait que ses patients, qui sont pour certains supporters de NO, apprendront qu’ils côtoient un ancien Crocodile. Benjamin Oliveras a fait le grand écart en passant d’un monde où l’on s’occupé de lui à une vie où il soigne les plaies de l’âme et du corps des autres. Le Crocodile a par la même occasion mis un carton rouge à la supposée superficialité des footballeurs. L’exploit n’est pas mince.
Norman Jardin