Objectif Gard : À quel âge êtes-vous arrivé au Nîmes Olympique ?
Jacky Novi : « J’habitais à Bellegarde, mais je n’avais jamais signé nulle part. Je jouais juste avec mes copains. Puis, quand je suis entré au collège Dhuoda, j’ai intégré l’école de football de Nîmes. J’avais 12 ans et mon coach était le Croco Robert Venturi. Il fallait choisir entre le football et l’école, j’ai choisi le ballon. Mais j’ai pensé à un moment à faire autre chose. ».
Pour quelle raison ?
« Parce que Nîmes avait fait signer des stagiaires, mais je n’étais pas du lot. Du coup, je suis allé travailler chez mon oncle à Pau. J’étais plombier-chauffagiste. C’est là que Jean Viala, qui s’occupait de la formation à Nîmes, a tout fait pour me faire revenir. »
Quel souvenir gardez-vous de vos débuts en pro ?
« J’étais chez moi, à Bellegarde, en train de manger ma soupe. En regardant par la fenêtre, j’ai vu Marcel Rouvière et Raymond Legrand (un journaliste nîmois, NDLR) qui étaient derrière le grillage. Rouvière m’appelle et il me dit : « Fait ton sac ! Demain tu joues avec nous à Reims ». Quelques mois plus tard, Jean Bandera et Pierre Barlaguet se sont blessés. Je suis alors rentré pour ne plus quitter le groupe. »
Avec qui partagiez-vous la défense centrale à Nîmes ?
« Il y a eu Charles-Alfred, Henri Augé et René Andréo. Et puis le phénomène Kabyle est arrivé. Mais à cette époque, pour avoir une notoriété, il fallait avoir 30 à 40 matches. »
Vous avez eu trois entraîneurs à Nîmes. Quel était leur caractère ?
« Tomazover et Pibarot étaient pédagogues, orientés vers le jeu. Quant à Kader (Firoud), c’était un meneur d’hommes, basé sur le physique. Selon le résultat, il avoinait tout le monde et il valait mieux ne pas lui répondre. Derrière, Marcel Rouvière passait pour nous aider à digérer l’engueulade. J’ai adoré cet homme. »
Les jeunes joueurs étaient-ils bien soutenus par les cadres ?
« J’ai joué avec des gars bien comme Bandera, Barlaguet, Parodi et Djebaili. Quand je faisais une connerie, au lieu de m’engueuler, ils corrigeaient mon erreur. »
Comment passait-on le temps pendant les longs déplacements ?
«Dans le train ou le bus, avec Djebaili et Parodi, on jouait au rami. Je me souviens que Charles-Alfred avait toujours le "Paris-Turf" car il jouait au tiercé. Moi je lisais la revue "Historia" surtout les numéros consacrés à la Seconde Guerre mondiale. »
Il y avait-il souvent des imprévus lors de ces voyages interminables ?
« Oui, une année, nous sommes partis à Nantes, mais il y a eu des grèves de trains. On s’est retrouvé sans hôtel. À la gare de Lyon, il y avait un restaurant qui s’appelait "La Provençale". Le patron était un supporter des Crocos et il nous ouvert les portes. Nous avons dormi sur les tables du restaurant avec nos sacs en guise de coussin. À Nantes nous n’avons jamais aussi bien joué et on a gagné 2-0. »
Le stade Jean-Bouin était-il si particulier qu’on le dit ?
« Ce sont mes premiers souvenirs de football. Les spectateurs étaient très proches du terrain. En tant que Crocos on prenait beaucoup du plaisir à jouer dans ce stade. C’était mythique et un peu impressionnant lors des premiers matches.
Vous avez ensuite signé à Marseille. Que reste-t-il de votre passage à l’OM ?
« Là-bas, j’ai gagné deux coupes de France et un titre de champion. C’est aussi à Marseille que j’ai côtoyé deux joueurs extraordinaires. Josip Skoblar, le meilleur buteur européen et Roger Magnusson. Concernant le Suédois, j’ai vu des spectateurs changer de tribune pour être du coté où il jouait. Aujourd’hui il serait une super star. Avec l’OM j’ai vécu mon meilleur souvenir : la victoire en coupe de France en 1969. Sur la Canebière c’était du délire. On a plané pendant 15 jours. C’était aussi mon premier titre et j’ai marqué un but.
Quel accueil vous réservaient les Nîmois quand vous reveniez avec le maillot de l’OM ?
« J’entendais quelques noms d’oiseaux, mais ça s’est bien passé quand même. Le pire ç'a été quand Nîmes nous a éliminé en coupe de France. Le match s’était joué à Alès et sur le chemin du retour les Nîmois nous ont bien chambré. »
Après Marseille, vous revenez à Nîmes en 1973.
« J’avais des bons contacts avec Michel Mézy et Kader Firoud. Je me suis dit pourquoi pas ? Mon contrat avec Marseille était terminé. J’ai signé pour deux ans avec Nîmes mais je suis parti au PSG, au bout d’une année. Just Fontaine me voulait alors je me suis engagé avec Paris pour trois ans. Ce passage à Nîmes ne me laisse pas un très bon souvenir parce qu’on n’avait pas fait une bonne saison. Et puis, dans ma carrière de Croco, le club a reçu des offres mais personne ne m’en a parlé. C’est après que je l’ai appris. Il y avait Nantes et Bordeaux qui me voulait.
Jacky Novi à droite, avec Strasbourg contre Saint-Étienne en 1978 (photo L’équipe)
Quel souvenir gardez-vous de vos années parisiennes ?
« Le club était en pleine construction. Il y a eu des hauts et des bas. À la fin de mon contrat, j’ai demandé à Daniel Hechter de le renouveler. Je voulais deux ans, il ne voulait pas. Gilbert Gress m’a appelé pour aller à Strasbourg. Alors Hechter a voulu absolument me garder mais j’avais donné ma parole aux Alsaciens »
Passer de Paris à Strasbourg n’a pas été trop difficile ?
« Non, c’était formidable. C’est une région qui aime le football. Nous l’avons senti quand on a été champion de France en 1979. J’ai été bien accueilli. Il faut dire que les résultats ont été bons. Je me souviens aussi de Joël Tanter qui était fort pour la rigolade, un vrai boute-en-train. Il planquait des bières dans sa chambre et on le rejoignait pour les boire avec lui. »
Qu’avez-vous fait après votre carrière de footballeur ?
« Je suis rentré chez Adidas, dans le département Arena qui fait des maillots de bain. Cela a duré neuf ans. J’étais basé ici et je couvrais la région du Sud-Est. »
Pourquoi ne pas avoir continué dans ce secteur professionnel ?
« En 1989, Bernard Boissier et René Girard m’ont proposé d’intégrer le centre de formation du Nîmes Olympique. Cela m’a plu et j’y suis resté trois ans pendant lesquels j’ai passé tous mes diplômes. J’étais responsable du centre de formation en charge du recrutement. »
Quels sont les jeunes que vous avez vu passer pendant cette période ?
« Didier Martel, Christophe Zugna, Hassan Kachloul, Éric Alibert, Ludovic Gros : ce sont des jeunes que j’ai fait venir. »
Que s’est-il passé après ?
« J’ai été au chômage pendant trois ans. Cela a été dur. Puis je suis parti entraîner Rodez, Fréjus, Alès et Istres. Cela me plaisait, construire une équipe et mettre en place un projet de jeu. C’était passionnant et c’est à l’OAC que je me suis le plus régalé. »
Vous comptez aussi vingt sélections avec l’équipe de France. Cela doit avoir une place particulière dans votre carrière ?
« (Il rigole) On étaient bien tous copains mais ce n’était pas la meilleure période. Je suis sorti sur une blessure contre l’URSS et c’est Adams qui a pris la place. C’est comme ça, c’est le football. Mais mon plus grand regret est de ne pas avoir joué une coupe du monde. Pour le mondial 1974, on est éliminé par la Suède sur un penalty que je provoque. Mais apparemment il n’aurait pas dû être sifflé. En 1966, la France était qualifiée et j’étais dans le pré-list, mais je n’ai pas été retenu. »
En quoi les Bleus étaient-ils différents de ceux d'aujourd’hui ?
« À cette époque, il fallait laver son équipement et recoudre les trous dans les chaussettes. Pour ma première sélection, ma femme a mis mon survêtement dans la machine d'où il était ressorti tout délavé. Georges Boulogne m’a soufflé dans les bronches. Je vois mal un bleu actuel vivre la même chose. »
Lors de votre carrière vous avez dû croiser des joueurs d’exceptions...
« Salif Keita était le plus difficile à contrôler. En amical, j’ai joué contre Cruyff (avec le PSG, NDLR). Il y a aussi Pelé (avec l’OM). Pendant le match, j’ai passé un quart-d’heure à le regarder jouer. Je suis allé le voir dans le bus pour lui fait signer un autographe. Je l’ai toujours conservé avec moi. »
Propos recueillis par Norman Jardin (24/11/2018)