Jean-Marc Chanelet (ex-Nîmes Olympique) : « J’ai terminé menotté au commissariat »
Avant de remporter deux Coupes de France (1999 et 2000) avec Nantes, d’être sacré champion de France (2002 et 2003) et de gagner une Coupe de la Ligue (2001) avec Lyon, Jean-Marc Chanelet a porté le maillot du Nîmes Olympique pendant deux saisons (de 1993 à 1995). Une expérience qui lui a permis de passer un palier et sur laquelle il revient pour analyser l’époque où il était un Crocodile avant d’aller chez les Canaris. Il se remémore aussi une drôle de mésaventure qui l'a conduit au commissariat de Nîmes, et les pitreries de certains. L’ancien Nîmois n’a pas oublié une saison galère avec le NO et la Ligue des champions avec Nantes.
Objectif Gard : Vous souvenez-vous de votre signature au Nîmes Olympique ?
Jean-Marc Chanelet : Je suis arrivé en 1993, l’année où le club est redescendu en D2. Ma venue était l’occasion de franchir un palier par rapport à Istres. Je me souviens qu’il y avait un deal avec les Girondins de Bordeaux qui évoluaient en D1.
De quel deal s’agit-il ?
C’était un accord verbal entre Nîmes et Bordeaux. Je devais signer trois ans et au bout d’une saison, je partais pour les Girondins où Rolland Courbis était l’entraîneur et me voulait dans son équipe.
Lors de votre première saison à Nîmes (1993-94), vous ratez la montée en D1 pour seulement un point...
L’équipe avait moins d’expérience que l’année suivante mais la mayonnaise avait bien pris. Je découvrais une grande ville et un stade très joli. Il y avait 5 000 à 8 000 spectateurs réactifs et connaisseurs de football. À Istres, je jouais devant 800 personnes, là ça faisait dix fois plus. Et puis il y avait un passé et des ambitions. On avait des jeunes comme Ecker, Jeunechamp, Ramdane et Kachloul, c’était l’occasion pour eux de briller et se faire connaître. D’ailleurs, ils ont par la suite fait des carrières en D1.
À part ce point de retard, qu’a-t-il manqué pour décrocher la montée ?
Il y a un match en fin de saison où l’on rate le coche (défaite aux Costières face à Saint-Brieuc 0-2, le 16 avril 1994, NDLR) et ça nous est resté en travers de la gorge lorsqu’on a vu que ça ne passait pas pour seulement un point.
L’année suivante, Nîmes chute en National pour la première fois de son histoire. Que s’est-il passé ?
Nous avions une équipe pour monter avec des joueurs comme Bray, Galtier, F. Arpinon et Maharzi. Mais finalement on avait accumulé tellement de retard que l’on est tombé en National. Le début du championnat avait été compliqué et on pense parfois qu’en changeant d’entraîneur ça ira mieux. Mais ça n’a pas été le cas. Nous avons joué de malchance sur certains matches. Les joueurs étaient bons, mais dans l’animation ça ne passait pas. C’était frustrant.
Vous avez eu quatre entraîneurs en deux saisons. Le premier a été René Exbrayat. Comment était-il ?
C’était un entraîneur intéressant et passionné. Il vivait vraiment le football et était très participatif lors des entraînements. Ce n’était pas le genre à regarder les séances les bras croisés sur le bord du terrain.
Pour la saison 1994-95, c’est Josip Skoblar qui est nommé entraîneur. Quel souvenir en gardez-vous ?
Travailleur et peu expansif. Je me souviens d’un stage à Vittel où il nous avait réservé une grosse préparation physique. On reconnaissait bien la patte des entraînements d’Europe de l’Est, basiques et basés sur des courses rectilignes. Sa méthode était classique et presque dépassée. Les joueurs râlent toujours avec ce genre d’exigence physique mais en présentant les choses de façon un peu ludiques ça passe mieux. On ne lui a pas trop laissé le temps non plus. J’ai connu la même situation avec Nantes où avec Jean-Claude Suaudeau nous avions fait un mauvais début de saison. Le club avait maintenu l’entraîneur et nous avons terminé dans les trois premiers.
René Girard lui a succédé en cours de saison mais sans plus de succès...
Il a essayé tant bien que mal de nous faire redresser la tête mais on n’y arrivait pas. Parfois il y a un match déclic qui fait rebondir mais ce match là n’est jamais venu. Pourtant René Girard connaissait bien le club. C’était un battant, un gagneur et il a tenté de nous inculquer ça, mais il n’y pas eu de gros changements dans les résultats.
Enfin, c'est Pierre Barlaguet qui a terminé la saison...
Nous l’avons découvert. Il arrivait avec sa bonhomie. Il s’est retrouvé à gérer l’équipe première et son discours passait bien. On a bien redressé la barre mais nous avions tellement de retard que ça n’a pas suffi.
Quelles étaient vos relations avec l’équipe dirigeante ?
Jean Bousquet, le président, n’était pas très interventionniste même s’il venait parfois dans les vestiaires. Quant à Michel Mézy, le directeur sportif, c’était un personnage haut en couleurs. Il y a eu des réunions et des recadrages avec l’effectif pour relancer la machine. Mais rien n’y faisait, c’était une année sans.
Avec quels Crocodiles étiez-vous le plus proche ?
J’arrivais d’Istres avec Jean-Claude Durand qui est hélas décédé dans un accident de voiture quelques années après (le 18 février 2006, NDLR). Nous avions des affinités avec Philippe Sence. Je me souviens d’Abder Ramdane que j’essayais de motiver et de chapeauter parce qu’il avait du talent mais aussi son petit caractère.
Sur qui fallait-il compter pour mettre de l’ambiance ?
Didier Martel était marrant. Il s’amusait à reproduire les tics verbaux des entraîneurs. De temps à autre, il imitait Michel Mézy et ça nous faisait rire. Hassan Kachloul aussi mettait l’ambiance. Moi j’étais tranquille dans mon coin, j’aime rire mais je ne suis pas un ambianceur.
Pouvez-vous nous livrer une anecdote de votre période nîmoise ?
Une fois, je devais recevoir le trophée du meilleur joueur du mois, qui est décerné par les supporters. Mais en route, lors d’un contrôle de police en ville, les policiers découvrent que j’avais un pistolet à grenaille dans la boîte à gants de ma voiture. Deux ans plutôt, à Istres, on avait tenté de me voler ma voiture et j’avais acheté ce pistolet pour dissuader d’éventuels voleurs. Mais la législation avait changé entre-temps et il me fallait désormais une autorisation, que je n’avais pas. En le voyant, les policiers ont crié : « Il est armé ! ». Ils m’ont fait sortir du véhicule et j’ai fini au commissariat menotté au mur. Ils m’ont interrogé et fait poireauter jusqu’à ce que quelqu’un me reconnaisse. Du coup, j’ai raté la remise du trophée.
Il y a-t-il eu un déplacement qui vous a marqué ?
Une fois pour revenir de Niort nous prenions deux petits avions. Une demi-heure après le décollage, on apprend que l’autre appareil a eu une panne de moteur après avoir rentré le train d’atterrissage. Nous avons fait toute la durée du vol entre Niort et Nîmes sans savoir ce qu’il était arrivé à nos copains. En fait, l’avion avait raté son décollage pour finir en bout de piste dans l’herbe. Il n’y a eu aucun blessé mais les joueurs ont été marqués. Jean-Claude Durand a fait une jaunisse et Franck Lucchesi a dit : « C’est fini, je ne prends plus l’avion ». Par la suite, il faisait les déplacements en voiture.
Au lieu de faire votre troisième année de contrat à Nîmes vous partez pour Nantes. Pourquoi ?
L’accord verbal passé entre Nîmes et Bordeaux ne tenait plus puisque Rolland Courbis n’était plus l’entraîneur des Girondins. En 1995, il me restait une année de contrat, j’avais 26 ans et Nîmes venait de tomber en National. Ça ne sentait pas bon du tout pour moi qui aspirait à connaître la D1. Lors de l’été 1995, je pars en vacances aux États-Unis et mon manager m’informe que Robert Budzynski voulait me faire signer à Nantes, pour être la doublure de Serge Le Dizet. On a trouvé une porte de sortie avec Nîmes qui a touché un peu d’argent dans le transfert et monsieur Bousquet m’a laissé partir.
Quel regard portez-vous sur votre période nantaise ?
Je suis arrivé dans un club qui venait d’être sacré champion de France en pratiquant un football magistral. C’était une chance et un bonheur. En septembre, je jouais la Ligue des champions en Grèce et quelques semaines plutôt mon équipe chutait en National. J’ai toujours connu une progression en passant de Istres à Nîmes, du NO à Nantes et des Canaris à Lyon.
En 1999, vous retrouvez Nîmes que vous éliminez en demi-finale de la Coupe de France...
C’est vrai mais en 1996, les Crocodiles jouent la finale contre Auxerre. Je les avais rejoint après la finale pour les féliciter. J’aurais bien aimé participer à cet exploit qui a eu lieu la saison après mon départ.
Lors de votre carrière de sportif votre foi religieuse a évolué. Pouvez-vous nous l’expliquer ?
J’ai été adopté à l’âge de cinq mois et j’ai eu une éducation catholique. Je lisais la bible, je m’adressais à Dieu et quand je suis arrivé à Nantes, j’ai commencé à me poser des questions sur l’éducation religieuse et la façon de la vivre. À Lyon, le Brésilien Edmilson m’a fait découvrir les cultes protestants. J’ai trouvé une foi beaucoup plus vivante et j’ai compris ce qu’était la vie de l’Homme et son petit passage sur terre. Le message était plus parlant pour moi. Je me suis fait baptiser protestant à l’âge adulte en pleine conscience.
La vie du footballeur paraît loin de ces préoccupations...
Le football est joli mais tout ce qui est autour est parfois loin de certaines valeurs avec l’argent, le paraître, le matérialisme, l’égoïsme et l’image, ce ne sont pas des valeurs qui sont prônées dans la bible mais ça n’empêche pas d’avoir des qualités de footballeur et d’arriver à se situer dans cette ambiance particulière.
Les footballeurs français parlent peu de religion. Étiez-vous une exception ?
Maintenant on en parle un peu plus avec les réseaux sociaux. C’est toujours tourné en dérision par ceux qui n’y croient pas et ça amène des petits débats amicaux. On est la minorité et dès que l’on affiche ses convictions, on est raillé par les autres.
Que cela a-t-il changé dans votre vie ?
Je sais où je vais. Je prends conscience de ma condition d’homme pécheur et je sais qu’après la vie terrestre il y a une vie éternelle.
Que pensez-vous des joueurs qui font appel à la religion sur un terrain de football ?
J’ai l’impression que ce sont plus des rituels qu’autre chose. Tous les jours, je demandais l’aide du seigneur mais je n’avais pas besoin de le montrer aux autres.
Après votre carrière de footballeur vous êtes devenu superviseur. Quel est votre situation professionnelle actuelle ?
Je suis au chômage parce que ma dernière expérience de recruteur au FC Nantes s’est terminée il y a presque un an. Avec la crise économique et l’incertitude financière des clubs, c’est très difficile de retrouver une place. Il faut laisser passer le temps, que les clubs arrivent à avoir plus de visibilité.
En tant que recruteur suiviez-vous les joueurs du Nîmes Olympique ?
Oui, c’était mon secteur et j’allais souvent aux Costières lors de la saison 2019-20. Ça me faisait plaisir de retrouver ce stade et je revoyais des gens de mon époque. Je suis content de voir qu’il y a un redressement des résultats avec le changement d’entraîneur.
Certains Crocodiles intéressaient-ils le FC Nantes ?
Oui, nous avions une liste de joueurs nîmois au profil intéressant. À l’époque l’entraîneur du FC Nantes était Vahid Halilhodžić. Des contacts avaient été établis avec des joueurs et des agents mais ça n’a pas abouti.
Quels joueurs ?
Ça reste du domaine du secret professionnel (rires).
Téji Savanier avait-il le profil pour le FCN ?
C’était le métronome de Nîmes mais on savait que pour Nantes ça ne serait pas possible car il est très attaché à ses racines, et la Bretagne ce n’est pas la Méditerranée.
Propos recueillis par Norman Jardin le 27/02/2021
Biographie de Jean-Marc Chanelet. Né le 23 juillet 1968 (52 ans) à Paris. Poste : défenseur. Clubs : FC Istres (1989-1993), Nîmes Olympique (1993-95), FC Nantes (1995-00), Olympique Lyonnais (2000-03) et Grenoble (2003-05). Palmarès : Champion de France avec Lyon en 2002 et 2003. Vainqueur de la Coupe de France avec Nantes en 1999 et 2000. Vainqueur de la Coupe de la Ligue en 2001 avec Lyon. Après sa carrière du joueur, il devient superviseur pour plusieurs clubs comme Le Mans, Guingamp, Lyon et Nantes.