L'exil un peu forcé, Marcel Boyron a du mal à digérer. « Quand tu as tout quitté, que tu as rencontré des tas de difficultés, tu apprécies mieux ton propre pays, balance le Gardois avec des trémolos dans la voix. […] Et maintenant que j'ai vécu à l'étranger, je sais que je me trouverais bien dans n'importe quel coin de France ». Marcel a encore le blues quand il évoque sa carrière et une parenthèse à l'étranger qui provoque son attachement pour notre bonne vieille France, sa région et son équipe de toujours l'Olympique Nîmois. Le club où il a effectué toutes ses classes à partir des cadets jusqu'à sa première apparition avec les pros à 20 ans. Boyron est un crack. Il rafle au passage la coupe Gambardella et devient international militaire. Promis à un bel avenir, le jeune espoir a peut-être le tort de rester à Nîmes, mais la famille soudée autour de l'entraîneur Kader Firoud, ses racines (il est né à Salindres), toute sa vie est ici. Boyron est fidèle aux Crocos malgré les difficultés du club à tenir son rang parmi l'élite. Une fidélité récompensée par un statut particulier dans l'équipe. « A Nîmes, j'ai toujours eu des contacts privilégiés avec les joueurs étrangers, avoue le père Marcel un peu crâneur. J'étais en quelque sorte leur chaperon. Je partageais leurs chambre. J'avais la patience de leur parler très lentement, […] d'essayer de les comprendre quand ils ne bredouillaient que quelques mots de français ». Le bon gars en somme, à qui la vie joue de vilains tours. Un contrat qui arrive à son terme, Boyron songe à aller voir ailleurs à la fin de la saison 1976-77. Il se blesse au genou en mai. La suite tient de l'imbroglio. C'est Marcel qui rince : « Au début, on me prescrit 15 jours de repos. Le club est mal classé. Il faut que je joue à tout prix. Deux semaines plus tard, je suis sur le terrain et mon genou lâche à nouveau. […] Ma saison est terminée ». Et les velléités de départ envolées, car« aucun club ne veut de moi » lance le Gardois résigné, maudissant sa vilaine entorse diagnostiquée par le médecin. Boyron rempile un an et rechute dès son retour à l'entraînement en juillet, pendant la préparation de la saison 1977-78. Cette fois, c'est le ménisque qui prend. Marcel passe sur la table d'opération et charcute son bourreau. « Un chirurgien revient spécialement de vacances pour pratiquer l'intervention. J'apprendrai plus tard, par un ami étudiant en médecine qui a assisté à l'opération, qu'il n'a cessé de maugréer, affirmant notamment que ce footballeur faisait chier et qu'il était mieux en vacances. Dans son énervement, il s'est coupé le doigt avec son propre bistouri. Le résultat est déplorable. Avant l'opération je ne boitais pas. Après celle-ci je claudiquais ». Boyron doit à nouveau passer sur le billard en novembre et revient sur les terrains en janvier. Le joueur, bien retapé, termine l'exercice sans histoire mais suscite toujours l'interrogation des recruteurs qui ne veulent pas prendre de risques avec ce convalescent. Heureusement, il y a l'Olympique qui lui prolonge (encore) son contrat d'une année supplémentaire. « J'ai insisté pour qu'il ne soit pas plus long, s'emporte Marcel.Durant mon absence et surtout depuis mon retour, les envies de départ ne cessaient de me tarauder ». Le championnat est commencé depuis deux mois lorsque le téléphone sonne dans le bureau du président des Crocos. Un appel des dirigeants de Sturm Graz (sur un tuyau de son international Heinz Schilcher et ancien coéquipier de Boyron à Nîmes) qui cherchent un joueur.