En tant que joueur, René Girard n’a connu que trois clubs : le FC vauverdois, Nîmes Olympique et les Girondins de Bordeaux. Les deux premiers s’affrontent,
ce dimanche, dans la ville où l’ancien milieu international (7 sélections en équipe de France) a grandi et habite toujours, presque 70 ans après y avoir vu le jour. Il les fêtera le 4 avril
prochain. "Je suis un des derniers à être né ici, dans la maison familiale", précise-t-il avant de parler football. (Midi Libre - 28/10/2023)
Votre premier club qui reçoit votre deuxième, ce derby peut être rebaptisé le “Girardico”…
C’est marrant ! En ville, aux Halles, les gens me rappellent les bons souvenirs. Jeune, j’avais joué un match de Coupe Gard-Lozère à Vauvert avec la D3 de Nîmes.
Mais celui de Coupe de France en 1982, je ne m’en rappelle pas, j’étais déjà à Bordeaux. C’est bon pour le public et pour le club de Vauvert. Des jeunes dirigeants y font du bon boulot. Pour le
coin, c’est superbe. C’est le seul moment où les amateurs et les pros se mélangent.
J’ai commencé à Vauvert par passion, et parce que mon père y était footballeur en DH. Je me rappelle des éducateurs comme M.Teyssier au collège, et René Dupont, un
ancien de NO, au club. En 1968, on a gagné la Coupe Gard-Lozère minime.
Nîmes me faisait rêver. C’était un des plus grands clubs français. J’y ai signé cette année-là, en cadet, après avoir été repéré par le recruteur Marcel Rouvière.
J’évoluais milieu offensif. D’ailleurs, contrairement à ce que certaines mauvaises langues disent, j’ai toujours mis des buts (sourire), une bonne cinquantaine en pro en jouant milieu
défensif !
Puis, en 1980, à 26 ans, Nîmes allait moins bien sportivement et avait besoin d’argent, Bez et Couécou me voulaient à tout prix à Bordeaux, et je suis parti aux
Girondins… mais j’en avais gros sur la patate. Il y a eu des larmes… Mais je ne l’ai pas regretté, et j’ai remporté beaucoup de titres (3 L1 et 2 Coupes).
Tout en revenant régulièrement à Vauvert…
Oui, c’est mon côté casanier. J’y avais fait construire en 1978, je n’avais quasiment pas eu le temps d’y habiter. Rentrer un mois, quelques jours, en été ou en
hiver, ça m’était indispensable. Comme les taureaux, c’est quelque chose de sacré chez nous. C’est mon adrénaline. Aujourd’hui, je vis encore dans cette maison.
Où vous êtes officiellement retraité, ou pas encore ?
Oui, on peut le dire. Après mon dernier challenge au Paris FC (2020-2021), ça a été le calme plat. Je ne me suis pas trop mis sur le marché non plus. Et comme les
entraîneurs étrangers sont meilleurs que les Français, apparemment (sourire)… Ce n’est pas évident de quitter un monde comme le nôtre. Quand on arrête, ça fait un trou.
Mais aujourd’hui, je fais mes picholines, il y a mes petits-enfants, les copains, le bar des Halles, les raseteurs dont je suis un fervent supporter… je vis sans la pression que j’ai connue
durant ma carrière.
Auriez-vous pu finir en entraînant Nîmes ?
J’avais mangé un morceau avec Rani Assaf et Christian Perdrier quand ils ont mis Bernard Blaquart à la tête de l’équipe. C’est peut-être la meilleure chose qu’Assaf ait faite depuis qu’il est là…
Ils m’avaient demandé comment je voyais le club et comment le faire avancer. Il n’y a jamais eu de suite. Les relations ne sont pas mauvaises, mais éloignées.
Je n’ai jamais mis les pieds aux Antonins. Je vais à Montpellier, malgré la rivalité, et j’y suis accueilli comme il se doit. La situation est inquiétante. Je ne sais pas si Nîmes va remonter,
mais on a vu jusqu’où le club pouvait descendre, déjà (sic).
Le premier objectif doit être de revenir en L2, d’asseoir le club et de le pérenniser. En tant que coach, quelles que soient la valeur et la qualité de tes joueurs, je crois à l’osmose que l’on
peut créer entre eux. Mais sans politique de formation, face aux grands clubs, tu rames. Et c’est d’autant plus dommage qu’il y a le potentiel ici.
C'est à Vauvert, une petite commune du Gard, que le petit René Girard voit le jour le 4 avril 1954. Fils d'un employé de mairie et d'une femme de ménage, il aura vraiment construit sa carrière au
mérite pour ce bonhomme qui est tout sauf un feignant. Ainsi, jeune adolescent de 15 ans, il suit tous les jours son frangin, carreleur sur les chantiers.
« Pendant deux ans je mettais
la mobylette dans la 2CV ! Ce n'est pas une connerie ! » se
rappelait-il, sourire aux lèvres, dans une interview accordée à So Foot en février 2012.
« Je travaillais le matin et j'avais entraînement le soir, à 18 heures. Je prenais
ma pétrolette pour rentrer sur Nîmes ». Déjà repéré par le Nîmes Olympique, bosseur et téméraire sur les chantiers comme sur le terrain, le Vauverdois véhicule ces mêmes valeurs
aujourd'hui :
« Moi, je ne suis pas un fainéant. Si je n'avais pas été dans le monde du football, j'aurais été ailleurs et j'aurais bossé. Et ça n'aurait pas été très grave.
» Le fait est que le monde du football lui a ouvert ses portes. Car avant d'être l'entraîneur gueulard au grand cœur qu'il est aujourd'hui, René Girard a été un grand
milieu-de-terrain à moustache dans un premier temps. Footballeur, il ne connaît que deux grands amours dans sa vie : le Nîmes Olympique, où il commence et termine sa carrière, et les Girondins de
Bordeaux, où il connaît ses plus belles années (après avoir rasé sa moustache, d’ailleurs à ce titre j’aimerais connaitre la théorie du
Moustache FC sur le fait qu’à partir du moment où Girard a rasé sa Moustache, il a été 3 fois champions en 4 ans
et avec en plus deux coupes de France ?).
Régulièrement salué pour son impact physique, l'une de ses nombreuses qualités, il se vexe souvent au moment d'évoquer ce sujet.
« Si on veut retenir que j'étais un
joueur engagé, très bien, mais j'étais un milieu qui a mis 50 buts et pas n'importe comment. Des reprises de volée, des retournés... » se défend-il dans So Foot. Bernard Lacombe
allait dans ce sens, lui qui était arrivé un an plus tôt en Gironde, déclarait en 1980 lorsqu’il a découvert René Girard en tant que coéquipier et plus comme adversaire :
« j'ai
découvert en René Girard un footballeur d'un talent formidable, un joueur dont j'ignorais les qualités techniques de frappe et de jeu de tête. Croyez-moi, c'est un tout bon et on va reparler de
lui cette saison ... ». Et Bernard Lacombe ne s’y trompe pas car dès la saison suivante ses aptitudes lui permettent, à 28 ans, de décrocher une première sélection et de disputer la Coupe
du monde 1982. Une décennie après ses chantiers de carreleur, René se retrouve en Espagne aux côtés des Platini, Lacombe et Rocheteau, pour y disputer la plus belle des compétitions. Des
souvenirs indélébiles qui resteront gravés à jamais dans sa mémoire malgré la déception de voir depuis la tribune
la fameuse demi-finale homérique face aux allemands. Lui le fougueux milieu de terrain défensif voit un par un les
joueurs qui jouent à sa place se faire descendre et quitter le match pour l’infirmerie (Genghini) voir l’hôpital (Battiston). Une fois la frustration passé de voir impuissant les copains se faire
éliminer, René Girard revient en club plus fort qu’avant et il va connaitre les heures de gloire avec les girondins. Il est l’un des hommes de confiance d’Aimé Jacquet.
D’ailleurs l’entraineur Bordelais dira de Girard :
« c'est quand il n'est pas là que l'on mesure à quel point il est indispensable .... ». Avec Bordeaux, à parti de la saison
1983-84, René Girard gagne 3 titres de champions de France, deux coupes de France et dispute 2 demi-finales de coupe d’Europe (celle de 1985 contre la Juve de Platini et en 1987 face au Lokomotiv
de Leipzig) et à chaque fois les bordelais sont passés près tout près de la qualification. En 1988 après l’élimination douloureuse face au PSV Eindhoven en 1/4de finale de coupe d’Europe il
comprend qu’il ne gagnera pas la coupe aux grandes oreilles et à 34 ans il décide de retourné à la maison et signe à Nîmes alors en D2. Mais il reste marqué à jamais de son passage en Gironde
:
« j'ai passé huit années fabuleuses là-bas, aux côtés d'une génération de joueurs extraordinaires qui m'ont beaucoup appris et d'un grand entraineur, Aimé Jacquet, qui m'a permis de
m'épanouir .... ». A Nîmes, le guerrier Girard n’a pas changé et malgré le poids des ans il continue de montrer ce footballeur à deux facettes, tel ce personnage de Batman ! Côté pile,
c’est le capitaine qui permet à Nîmes de joueur les premiers rôles pour la montée et comme le dit si bien France Football alors, juste avant les fameux barrages :
« Certains ont pu
l'aimer pour son esprit de combattant. D'autres ont pu le détester pour ses excès, ses écarts de conduite. Mais à 36 ans, René Girard est toujours là. René Girard, le revenant. Girard tel qu'en
lui-même. Au four et au moulin. Donnant de la voix pour rameuter les siens. Menant la révolte. Egalisant au moment opportun. Catalyseur et buteur d'une formation qui ne pouvait pas se passer de
lui. Solide au poste à quelques semaines de la retraite. Le vieux guerrier a décidé de déposer les armes en fin de saison, après avoir livré son dernier combat pour ramener Nîmes en D1
». Mais il y a aussi le côté face, et justement dans ses barrages, Girard pète les plombs face à Brest. Toujours France Football, seulement quelques jours après les belles
déclarations :
« Que le football ait été sali par les condamnables incidents de Nîmes, incidents en grande partie imputable à un joueur d'autant moins pardonnable qu'il était le plus
ancien sur le terrain et porteur du brassard de capitaine, cela n'a échappé à aucun observateur présent ce soir-là .... Coup de poing dans le ventre d'un adversaire qui n'était même pas en
possession du ballon, tacles méchants, agression en tous genres et pour finir, ce sale coup qui mit Cabanas hors de combat, il n'est pas douteux que le personnage avait complètement disjoncté ...
».
René GIRARD ne terminera finalement pas sa carrière sur cette fausse note et il rempile à 37 ans pour une année supplémentaire. Là on voir un Girard leader qui mène les Crocodiles à la première
place du groupe A synonyme d’accession en division 1 (voir le sujet
Nîmes Grandeur et décadence). Avec le sentiment du devoir accompli, René Girard raccroche cette fois-ci définitivement ses crampons d’une
carrière très riche. 628 matchs en 19 saisons professionnelles dont 442 en 1ère division et 60 buts toutes compétitions confondues pour seulement deux cartons rouges, peut être la stat la plus
étonnante finalement mais à vérifier car ça me parait trop peu connaissant le bonhomme. Remarquez dans quelques années, quand on verra les stats de Mark Van Bommel on se dira que c’était un
joueur correct vu qu’il n’a pas reçu trop de cartons rouges durant sa carrière alors que…le tout c’est d’être bien vu des arbitres. En tout cas René Girard, aussi agressif, aussi violent qu’il
soit, il était un joueur indispensable dans une équipe et il a réussit à transmettre ses valeurs de joueur aux qualités à la fois technique mais aussi agressif à son effectif montpelliérain.
Pourtant sa carrière d’entraineur n’était pas toute tracée.
Alors qu’à peine sa carrière de joueur terminée il prenait la casquette d’entraineur, pas de dépaysement au menu, puisque c'est sur celui du Nîmes Olympique qu'il s'assoit. Cependant l’expérience
tourne très vite vinaigre et il se fait virer après 25 matchs par son ami Michel Mézy dès sa première année d’entraineur. Au chômage, trop logntemps à son goût, il décide d'un commun accord avec
sa femme d'acheter une librairie-presse, avec, toujours, cette envie de se décarcasser.
« Ce n'était pas pour rigoler, hein. On était ouverts du lundi matin, à six heures, jusqu'au
dimanche midi. » Jamais bien loin des terrains de football, l'enfant du Gard profite de cette période pour passer ses diplômes d'entraîneur.
Une bonne idée. En 1998, son ancien entraîneur à Bordeaux, Aimé Jacquet, fraîchement promu à la tête de la Direction technique nationale, l'invite à rejoindre l'aventure équipe de France. René
Girard est l'adjoint du nouveau sélectionneur Roger Lemerre pendant quatre ans, et vit deux aventures complètement différentes : le succès de l'Euro 2000 et la débandade du Mondial 2002, en Corée
du Sud et au Japon. Entre rires et larmes, joie intense et profonde déception, le Vauverdois se rappelle de cette période comme d'un moment fort de sa carrière.
« Tant qu'on l'accepte
et qu'on y met du cœur, le rôle d'adjoint n'est pas ingrat, bien au contraire. J'ai vraiment vécu des moments fabuleux », se rappelle t-il. Lemerre évincé, Santini intronisé, René
Girard quitte les A et entraîne les U19, les U16 et, plus longuement, les Espoirs. Après une décennie passée au sein d'une Fédération française de football qui se gangrène, il est viré "sans
explication", dans l'incompréhension la plus totale, comme il le confiait à So Foot.
« Pour des gens qui donnent des leçons de communication... Houllier voulait mettre Mombaerts à ma
place. Je suis allé voir les trois intéressés, Escalettes, Houllier et Domenech. Ils savent ce que j'en pense. Quand Houllier m'a emmerdé, je lui ai dit 'va te faire...» Fort de ses expériences avec les jeunes des équipes de France, René
Girard atterrit sur le banc de Montpellier en 2009 et on connait la suite avec le sacre de champion de la saison dernière au nez et à la barbe des pétrodollars quataris !
A l'intérieur de la mairie de Vauvert, René Girard présente le trophée du champion de France de ligue 1 à ses proches
A la mairie de Vauvert, ce samedi 16 juin, il n’y a pas de star. Juste un petit gars du coin qui a réussi dans le milieu du football. René Girard,
« Néné » comme on le surnomme ici, est à son aise au milieu de ses proches, de ses amis. Celui qui entraîne l’équipe de football du Montpellier Hérault depuis plus de trois saisons est
un homme simple, sympathique, abordable. Affuté, l’œil rieur, le visage avenant, René Girard, 58 ans, est venu présenter aux vauverdois le trophée de champion de France qu’il vient d’obtenir avec
l’équipe montpelliéraine. Comme un enfant du pays désireux de faire partager ce qu’il vît au plus grand nombre.
« Je suis né dans ce village et il me tient énormément à cœur. En 1978, j’y ai construit ma maison, un lieu de retrouvailles avec mes enfants. J’ai
toujours gardé des liens avec mes amis même quand j’ai dû quitter la région pendant ma carrière de footballeur. Dès que je le peux, on se retrouve pour faire la fête. » Disponible, René
Girard, qui vient d’être par ailleurs élu meilleur entraîneur de Ligue 1, enchaîne les autographes et les photos pour les enfants du coin impressionnés de rencontrer l’homme qu’ils voient à la
télé. Ces enfants, d’une dizaine d’années à peine, qui écarquillent leurs yeux devant le coach d’Olivier Giroud et de Younès Belhanda, ignorent probablement son parcours de
joueur.
René Girard a commencé sa carrière de footballeur au Nîmes Olympique en 1972. Il y restera huit saisons durant lesquelles il inscrira 43 buts en 243 matchs
joués. Un bon ratio pour un milieu de terrain défensif. Au début des années 80, il signe à Bordeaux où il cumule les trophées : trois titres de champion de France, deux coupes de France et
une demi-finale de la coupe des clubs champions, l’ancien nom de la Champions League. En 1988, le milieu de terrain défensif, qui n’aura finalement connu que deux clubs, retourne à Nîmes :
« Certainement parce que le Nîmes Olympique a été le club où j’ai fait mes premières armes. C’est mon club de cœur », explique-t-il. En 1991, après trois années passées dans le club
gardois, René Girard prend sa retraite de footballeur.
« Thierry Roland est quelqu’un que j’ai apprécié »
Et justement, son club de cœur, il n’y reviendrait pas pour prodiguer les mêmes recettes qu’au voisin montpelliérain et pour le faire revenir au plus haut
niveau ? « Ca aurait pu se faire à une époque et ça ne s’est pas fait. Vous savez, le foot a tellement changé. En tout cas, tout le mal que je souhaite au Nîmes Olympique est d’avoir
une équipe qui évolue en Ligue 1 ». Passionné de football, le vauverdois suit attentivement l’Euro : « Je pense que notre équipe de France devrait franchir le premier tour.
Mais après, il y aura un match très compliqué contre l’Italie ou l’Espagne ou peut-être la Croatie. Je souhaite d’ailleurs à l’équipe de France de tomber sur la Croatie». Quand on lui demande son
pronostic, l’homme est prudent : « Une finale France-Espagne, ce serait quand même pas mal. Je pense que l’Espagne est aujourd’hui la grande favorite mais il peut toujours y avoir
des outsiders comme l’Allemagne ou la France ».
Mais quel que soit le résultat de l’équipe de France, cet euro 2012 aura un goût amer pour beaucoup de supporters français. L’annonce du décès, hier matin,
de Thierry Roland a bouleversé un grand nombre de français. René Girard en fait parti : « Je suis quelqu’un qui a vécu avec sa voix. Thierry est quelqu’un que j’ai apprécié. J’ai
appris il y a peu de temps qu’il n’était pas très bien. Pour moi, Thierry fait parti des grandes voix, celles qu’on identifiait immédiatement comme celles de Roger Couderc ou de Roger Lanzac.
Quand on allumait la télé ou la radio, on savait que c’était eux. »