Dans son bureau du stade des Costières, le directeur sportif du Nîmes Olympique a évoqué le président Rani Assaf, l'entraîneur Bernard Blaquart, son prédécesseur Laurent Boissier, le maintien et ses ambitions pour les Crocodiles.
Objectif Gard : Dans quelles circonstances vous êtes-vous engagé avec le Nîmes Olympique ?
Reda Hammache : J'ai fait connaissance avec Rani Assaf par l'intermédiaire d'amis communs mais en dehors du monde du football. On a d'abord pris le temps de se connaître même si on partageait les mêmes idées. Cela s'est fait très naturellement et tout s'est accéléré en fin d'année avec ma nomination.
Le club était alors relégable. N'avez-vous pas eu peur de mettre les pieds dans une galère ?
On se pose la question forcément quand on ne connaît pas le club et que l'on regarde le classement. Après, l'avantage, c'est que j'ai eu quelques mois pour observer et me renseigner. Du coup, ça m'a permis d'avoir suffisamment de temps pour analyser la situation. Et puis, au fur et à mesure des semaines, je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose à faire.
Quels sont les éléments qui vous permis de faire cette analyse ?
J'ai pu identifier, qu'humainement, il y avait un groupe de qualité. Un groupe capable de se remettre en question, de travailler. Avec des joueurs très à l'écoute, travailleurs, avec une super mentalité, un bon état d'esprit. Quand on sait comment fonctionnent les équipes de deuxième partie de tableau, je pense qu'on n'est pas loin d'avoir le meilleur groupe. Il est sain et costaud.
Les résultats n'étaient pourtant pas là...
Le groupe manquait de profondeur de banc. Comme ce constat était partagé par toutes les parties, cela a été très facile ensuite de travailler dans l’amélioration de l’effectif pendant le mercato. Il y avait une forte demande de recrue(s), et c'est là aussi quelque chose d'exceptionnel pour un groupe comme celui-là de ne pas avoir peur de la concurrence. C'est l'une des clés du recrutement.
Une fois intégré au club, quelles ont été vos premières mesures ?
Je me suis attaché à transmette un maximum d'ondes positives à tout le monde : joueur, staff et coach. Et tout le monde s'est senti rassuré. Ils avaient peut-être besoin d'une personne extérieure pour leur dire qu'ils n'étaient pas nuls. À mon sens, ce groupe n'avait pas perdu confiance. Par contre il était affecté. Il ne fallait pas grand-chose pour que ce niveau de confiance s'élève. Le fait que j'ai pu avoir beaucoup de mots positifs et bienveillants vis-à-vis du coach, les joueurs l'ont ressenti.
Quel bilan tirez-vous de ce premier mercato nîmois (Benrahou, Roux et Koné, NDLR) ?
Je suis satisfait par leurs performances. On a réussi à recruter des joueurs qui correspondent à bien des égards à ce que l'on voulait faire. Les trois joueurs qui nous ont rejoint ont des qualités pour pallier le manque qu'il y avait dans l'équipe.
Ce mercato a-il été compliqué à négocier ?
Quand on est nommé 10 jours avant le mercato, forcément, on n'a pas le temps de le préparer. Ça complique la tâche. Ensuite, quand on met les mains dans les dossiers, on se rend compte que c'est difficile. D'autant que c'est un mercato d'ajustement. Il faut réussir à trouver des joueurs qui puissent accepter de venir à nos conditions, relever les objectifs qu'on leur donne, etc.
Comment avez-vous fait pour les convaincre ?
L'exposition de la Ligue 1 y est pour beaucoup. Il y a aussi la ferveur, l'atmosphère autour du club. Beaucoup de joueurs veulent jouer dans des clubs où il y a de la passion. C'est une force !
Yassine Benrahou est prêté par Bordeaux. Envisagez-vous de le conserver ?
C'est un prêt avec option d'achat. Je connais son talent. Je sais ce qu'il est capable d'apporter à l'avenir, le joueur qu'il peut devenir. S'il continue sur sa lancée bien entendu que c'est envisageable de le conserver.
Comment sont répartis les rôles dans la venue d'un joueur au Nîmes Olympique ?
Avec Bernard (Blaquart, NDLR) on identifie les besoins. Ensuite je préconise des noms. Il y a une étude sportive qui est faite de ma part. Il y a aussi une étude sur la faisabilité du dossier d'un point de vue financier pour être dans le cadre et ne pas perdre de temps. Après, je soumets les noms à Bernard et on acte. Moi, je bascule les éléments au président pour l'arbitrage financier. C'est le cheminement classique dans un club qui fonctionne normalement avec une organisation simple et claire entre un coach, un directeur sportif et un président.
Il y a-t-il eu des transferts qui ont échoué ?
Oui, pour plein de raisons différentes. Trop compliqué d'un point de vue financier avec le joueur ou le club. Compliqué aussi car il a fallu convaincre les joueurs. On a tout eu. Et des clubs qui se sont moqués de nous dans les derniers jours.
Le mercato d'hiver est terminé. Quelles sont désormais vos priorités ?
Préparer le mercato d'été. J'ai déjà commencé à travailler sur certains sujets. Nous allons créer une cellule de recrutement composée de deux à quatre personnes. Je ne veux pas me presser non plus. Je sais avec qui je veux travailler et avec qui je ne veux pas travailler. Les recruteurs ne seront pas forcément basés à Nîmes. Il faut qu'ils mangent des matches en France, en Europe mais aussi en Afrique. On a aussi commencé à mettre en place tout un dispositif d'accompagnement des joueurs. À la fois des nouveaux mais aussi des plus anciens. C'est quelque chose qui existe dans quasiment tous les clubs.
Quelles sont les tâches de ce dispositif d'accompagnement ?
Un joueur pro est un homme et un actif. Pour ces deux raisons, on se doit d'être à leurs côtés pour les aider à s'intégrer, à s'installer et à s'épanouir. Pour eux et pour leur famille. Ça passe par la recherche d'appartement, l'inscription d'école pour les enfants, les cours de langue, etc. Tout pour faciliter leur vie. Si les nouvelles recrues on été performantes tout de suite, c'est aussi grâce à cela. J'ai appris que certains étrangers de l'équipe sont restés deux mois à l'hôtel, sans sécurité sociale. C'est un dispositif qui me tient à cœur et, on le voit, ça a porté ses fruits tout de suite.
Travaillez-vous déjà sur le mercato de l'été prochain ?
Oui, à travers des joueurs que l'on a déjà recrutés. Ce n'est pas uniquement pour les 6 mois mais on a envie de se projeter plus loin. Il y a une chose très importante pour moi et je ne cesserai de le dire : je souhaite donner du sens à chaque recrutement. Je veux être en capacité pour chaque joueur recruté de raconter la bonne histoire. Recruter pour recruter et remplir un effectif, ce n'est pas du tout ma conception du métier.
Avec la revalorisation, à la hausse, des droits de diffusion télévisé la saison prochaine, le maintien est-il impératif ?
Ça va aider tous les clubs. D'où la nécessité de se maintenir cette saison. Aujourd'hui, on travaille comme si ces droits n'étaient pas là. Le développement ne dépend pas des droits TV. Et j'ai même envie de dire en Ligue 2 comme en Ligue 1, on continuera à développer le club. La Ligue 1 est simplement un accélérateur. Donc les droits TV ne provoqueront pas de folie.
Le projet d'un nouveau stade va dans le sens de la structuration du club ?
L'arrivée du nouveau stade c'est en 2025. J'ai bien l'intention de ne pas attendre cette date pour professionnaliser et développer le département sportif.
Il y aura-t-il des changements dans le staff ?
Je réfléchis pour aider le staff à être meilleur dans les analyses de notre équipe, de nos adversaires, de nos méthodes de travail. Et cela passera par du développement humain et technique. Il y a un sujet qui m'intéresse particulièrement : l'optimisation individuelle intégrée dans un staff. Aujourd'hui, on fonctionne a minima. Le staff est en demande. Nous allons développer l'analyse vidéo par exemple.
La formation est essentielle dans un club comme Nîmes. Allez-vous aussi la structurer ?
C'est un secteur qui me tient à cœur. Je n'ai malheureusement pas eu assez de temps pour pouvoir analyser efficacement nos forces et nos faiblesses. J'ai commencé à rencontrer quelques personnes. Je vais voir certaines équipes de jeunes. Le processus de diagnostic et d'audit va se poursuivre quelques mois.
Quels sont vos rapports avec le président Assaf ?
On échange régulièrement. Je donne mon avis sur des situations. Parfois il me suit, d'autres fois non. Chacun est dans son rôle. J'ai une très bonne relation avec lui. Je trouve même cela dommage que parfois il se fasse "taper dessus" par les supporteurs.
Son manque de communication n'est-il pas préjudiciable à l'image du club ?
Connaît-on le nom du président de Manchester United ou de Wolfsburg ? Je dis cela car c'est très franco-Français d'exiger une présence médiatique de la part d'un président de football. Dans la majorité des autres pays, le président parle peu ou pas et ça n'interpelle personne. Il est important de prendre conscience que dans un club de foot, l'espace médiatique doit avant tout être investi par les principaux acteurs : les joueurs et le coach. S'il n'est pas un grand communicant, ce n'est absolument pas un frein ou un problème pour moi.
Et vos rapports avec Bernard Blaquart ?
Ils sont très bons. Dès que je suis arrivé j'ai vu un coach dont j'avais entendu le plus grand bien à travers des connaissances communes, dont j'avais pu percevoir le travail au Nîmes Olympique et même auparavant, en tant que formateur. Je peux dire que j'ai vu un homme atteint. Avant de venir, j'avais déjà la volonté de faire preuve de beaucoup de bienveillance à son égard. Quand j'ai commencé à le côtoyer, ça m'a conforté dans l'idée de le soutenir, l'aider, l'accompagner. J'ai beaucoup de respect pour lui.
Quand les résultats était négatifs et que le club était relégable, avez-vous envisagé de vous en séparer ?
On a eu des discussions avec lui. Il était important que la décision vienne de lui. Aujourd'hui, ça lui permet d'encore plus s'épanouir. Je lui ai dit clairement que je n'étais pas venu pour mettre un autre entraîneur.
Le milieu de terrain Théo Valls a participé à 21 matches cette saison mais il est en fin de contrat. Quel est le souhait du club à son sujet ?
Aujourd'hui, rien n'a été déterminé. C'est un sujet que l'on doit traiter en interne et avec beaucoup d'intelligence et de respect pour toutes les parties. Arrivé fin décembre et avec les semaines intenses que je viens de passer, je n'ai pas eu le temps d'avoir suffisamment d'éléments pour acter une décision à son sujet. Mais par contre, ça va être un des sujets qui seront traités très rapidement. Il n'y a pas que Théo. J'ai d'autres sujets en tête avec les prolongations, les départs et les promotions.
Avec son petit budget, le Nîmes Olympique n'est-il pas condamné à jouer le maintien chaque année ?
Quand on voit certains clubs se pérenniser en Ligue 1 comme Angers ou Reims, j'ai des motifs d'espoir pour que l'on puisse faire mieux. Il faut aussi rester humble, sur le court, moyen terme. Tant que le club est au début de sa phase de développement, il faut avoir la lucidité de reconnaître en début de saison que l'on va jouer le maintien. Quand des supporteurs viennent au stade, c'est pour voir leur équipe gagner mais aussi pour prendre du plaisir et ça ne passe pas uniquement par jouer la Coupe d'Europe.
Quelle est l'ambition du Nîmes Olympique à long terme ?
Je me garderai bien de faire toute annonce qui risque d’être mal interprétée et faire les gros titres. La priorité, c'est de pérenniser le club en Ligue 1 et de le professionnaliser.
Comment jugez-vous le travail de Laurent Boissier, votre prédécesseur ?
Je pense qu'il est important de rendre à César ce qui appartient à César. Il ne faut pas oublier ce qu'il a fait de bien dans ce club. J'ai pas d'avis sur les conditions de son départ mais par contre si aujourd'hui le club est arrivé en Ligue 1 en partant de très bas, c'est forcément qu'il a sa part de responsabilités dans cette réussite.
Dans quelques semaines, vous allez vivre votre premier derby Nîmes - Montpellier. Ça représente quoi pour vous ?
C'est un match important pour les supporters. Forcément que j'ai envie de le vivre et encore plus à domicile. Mais j'ai envie que ce match soit une fête réussie et qu'il soit favorablement impactant sur notre position au classement. Ce sera la cerise sur le gâteau et je souhaite de tout cœur que les supporteurs puissent jouer leur rôle.
Justement, que pensez-vous de l'ambiance au stade des Costières ?
Il y a des similitudes avec le RC Lens. Aussi bien à Nîmes qu'à Lens, on a affaire à un public de connaisseurs qui aime le foot, qui vit au rythme du match. Ce n'est pas un public qui se contente de chanter du début à la fin sans vivre les émotions du match. Ça me plaît bien.
Comment définiriez-vous la méthode Hammache ?
Professionnalisme, exigence, honnêteté et humilité.
Propos recueillis par Abdel Samari et Norman Jardin