"Il y a un problème de fond" à Nîmes Olympique : raisons de la descente, supporters... les vérités de Benoît Poulain
EXCLUSIF - C’est (déjà) la fin du second passage de Benoît Poulain à Nîmes Olympique. Il aura été plus bref que le premier pour le capitaine des Crocos (36 ans en juillet), qui ne sera pas conservé et qui s’est confié à Midi Libre alors que le club est relégué de Ligue 2 en National.
Vous aviez hésité à vous engager avec Nîmes l’été dernier. Si vous aviez su, seriez-vous venu ? Regrettez-vous ce choix ?
Non, car j’avais une idée de ce qui m’attendait. J’avais discuté avec des personnes du club, je savais dans quel état il était. Je savais aussi qu’il n’y avait qu’un objectif, c’était le maintien, et c’est donc un échec.
J’avais hésité car c’est toujours difficile de revenir, qui plus est dans un contexte lourd. En plus, je ne savais pas trop ce que je serais capable de faire, car je sortais d’une saison compliquée (quasi blanche avec Eupen, en D1 belge,NDLR).
Mais Nîmes, c’est mon club, et j’avais envie que mes enfants me voient jouer ici. J’ai beaucoup apprécié le coach (Nicolas Usaï) pendant mon essai, il y avait malgré tout un bon cadre de travail, ça m’a convaincu.
Vous étiez parti en 2014. En quoi le club a-t-il changé en neuf ans ?
Le club a changé complètement. Déjà, tu travailles avec 5 ou 6 employés permanents (administratifs). Par curiosité, je suis allé voir sur internet certains organigrammes de clubs de Ligue 2. Je vous invite à aller voir celui du Havre, par exemple. Ce n’est pas comparable !
En termes d’organisation et de compétences, je pense que beaucoup de clubs de L2 travaillent mieux que Nîmes. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est l’ambiance délétère au stade. J’ai connu des ambiances difficiles quand j’ai commencé à NO, mais c’était plus ponctuel.
Sinon, selon vous, qu’a-t-il manqué pour se maintenir ?
Beaucoup de choses. La construction de l’effectif, d’abord, qui me paraissait un peu léger au départ et un peu déséquilibré. On manquait de gauchers et de joueurs offensifs de côté. Il avait été construit pour jouer en 5-3-2 mais il n’y avait pas de flexibilité pour changer de système.
Ensuite, il y avait des joueurs qui n’avaient pas envie d’être là. Quand vous prenez ce qu’ils pesaient en masse salariale et que vous avez un budget serré, ça pose problème. Il y avait aussi énormément de recrues, dont certains ne connaissaient pas le niveau professionnel.
Après, il y avait la gestion des contrats : trop de joueurs étaient libres en cas de descente. Quand tu dois te sauver à tout prix parce que tu sais que la saison suivante, tu es encore sous contrat mais que ton salaire va être divisé par quatre si tu descends, tu te bouges…
Enfin, on avait un souci dans le volume de jeu et l’impact. On s’est souvent fait “manger”. Ce n’est pas une question d’envie, c’est une question de profil de joueur. Avec le coach Bompard, on a progressé avec le ballon, mais on a régressé sur le bloc défensif. On n’avait pas la capacité pour défendre correctement. On avait sûrement le bloc défensif le plus faible de Ligue 2. Et défensivement, on a tous craqué, un par un.
Sur certains matches, c’est Maël (De Gevigney) qui courait le plus de l’équipe. Ce n’est pas normal que ce soit un défenseur. S’il a fait des erreurs, c’est qu’il était trop exposé, il avait trop de situations “pile ou face” à jouer.
Dernière chose : il y a beaucoup de décisions arbitrales en notre défaveur, qui nous ont empêchés de sortir de notre spirale négative…
Les coulisses de l'interview : tacos, primes de match, Premier League et "Monsieur"
TACOS "On reproche à certains d'aller au tacos ou de sortir le soir. Ce qui n'était pas vrai le soir de la descente. Et je peux vous dire que même s’ils vont au tacos après un match, et qu’ils rigolent, ils ne sont pas super heureux de descendre !"
PRIMES "Là aussi, il y a un problème de structures. Les jeunes qui ne sont pas professionnels et qui ont participé à des matches de Ligue 2 n'ont pas pu toucher la prime "feuille de match". Comme il n'y a plus d'agrément, ils sont sous statut amateur (et pas aspirant ou stagiaire pro, NDLR) et donc ne peuvent pas être payés par la section professionnelle (SASP), mais doivent l'être par l'Association. Les primes qu'ils doivent toucher ont été provisionnées, mais ils ne les ont pas encore reçues..."
FULHAM "Quand j'étais à Bruges (avec qui il a joué la Ligue des champions, NDLR), je devais signer en Premier League, à Fulham. On était d'accord. Mais le directeur sportif du club m'a bloqué. Cela s'est mal passé. Je suis allé voir le président, qui m'a écouté mais qui m'a dit qu'il ne pouvait rien faire si son directeur sportif l'avait décidé ainsi. Je l'ai mal vécu, mais c'est un exemple de séparation des pouvoirs entre la direction et le sportif. A Nîmes Olympique, il manque cette structuration."
MONSIEUR Lors de l'interview, il y a quelques jours, de Nicolas Usaï, l'ancien entraîneur des Crocodiles a qualifié Benoît Poulain de "Monsieur". Réaction de l'intéressé : "C'est gentil. Dans une carrière, ça marche avec certains entraîneurs et d'autres moins. A Nîmes, ça a été le cas avec Nicolas Usaï, au même titre que (le regretté) René Marsiglia que j'avais vraiment apprécié (en 2014, NDLR). Humainement, ce sont les deux qui m'ont le plus marqué."
Il y a aussi ce changement d’entraîneur en novembre, qui a surpris beaucoup de monde, dont vous, les joueurs…
Pour moi, ce qui a cassé la saison, psychologiquement, c’est la manière et le timing du changement de coach. Le président, c’est le boss, il peut décider que ça fonctionne mal et qu’il faut changer. On n’était pas 3e du championnat. Mais je pense que cela doit se décider avec les personnes compétentes.
Personne dans le groupe n’a été sondé, et il n’y avait pas de directeur sportif. Nicolas Usaï avait réussi à construire une unité et une énergie autour de lui et de son staff. Il tenait le truc. On bat Amiens et Bordeaux peut-être pas au talent, mais à l’unité. J’aimerais que mon petit doigt me dise qui a pris cette décision et qui a été consulté. Casser la dynamique qu’il y avait alors, c’était risqué. Et pour le coach Bompard, arriver dans ces conditions n’était pas évident.
C’est facile de raconter tout cela après, mais je tiens à préciser que j’ai dit tout ça à Rani Assaf quand il a voulu me voir après le départ du coach, en novembre, après que j’ai déclaré dans Midi Libre que j’étais surpris. Personnellement, j’ai vu le président seul trois fois cette saison : cette fois-là, pour signer et pour négocier les primes.
L’avez-vous revu pour évoquer votre avenir ? Vous n’êtes pas blessé, vous n’étiez pas à Laval et vous ne jouerez pas ce vendredi 2 juin contre Sochaux, pourquoi ?
Le coach me l’a annoncé la semaine dernière cinq minutes avant un entraînement, en me disant qu’il ne comptait pas sur moi la saison prochaine et qu’il allait faire jouer des plus jeunes. Là aussi, la manière… J’étais un peu chafouin. Puis il m’a reçu ce mardi avec Sébastien Larcier. On s’est expliqué. Ils m’ont dit que c’était un choix sportif.
Mais il y a autre chose : j’ai débuté 19 matches de championnat. Au vingtième, mon contrat était prolongé d’un an et je touchais une prime… Je ne suis pas blessé, et je continue à m’entraîner. À ce sujet, je comprends que les supporters râlent quand ils me voient à la feria dans la situation dans laquelle on est. Mais quand on te met dehors… J’étais prêt à aller à Laval, et j’aurais joué volontiers contre Sochaux !
Vous étiez déjà descendu avec Nîmes en National, vous y avez joué puis êtes remonté en Ligue 2. Que doit faire NO pour rebondir ?
Sébastien Larcier et le coach, s’ils restent, vont repartir de zéro, d’une feuille blanche. Après, il y a vraiment un problème de fond au club. Aujourd’hui, je suis plus triste qu’énervé.
Vous savez, si je n’ai jamais demandé publiquement aux supporters de venir au stade, c’est parce qu’à leur place, je ne serais pas venu… Aujourd’hui, quand tu es supporter de Nîmes Olympique, tu ne sens pas partie prenante de la vie du club. Les commentaires sont toujours fermés sur les réseaux sociaux. Et en plus, comme on ne proposait pas du grand spectacle sur le terrain…
Pour moi, un club doit être performant dans trois domaines : le financier, le sportif et le marketing-communication. Dans le premier, a priori, ça va. Dans les deux autres, ce n’est vraiment pas terrible. Tant que le club ne sera pas structuré correctement… Le National, ce n’est pas facile, même avec des moyens, et il y aura six descentes.
Ce sera donc sans vous… Quel sera votre avenir ?
Je ne vais pas prendre de décision précipitée. Mais à 36 ans (en juillet, NDLR) ça va être bientôt l’heure…
Nîmes Olympique. Benoît Poulain : "Je fais un point sur mon état physique avant de choisir un projet sportif"
Publié le mercredi 29 juin 2022 19:18 - Colin DELPRAT
Un visage bien connu des supporters de Nîmes Olympique s'entraîne depuis ce mercredi 29 juin avec l'équipe professionnelle des Crocos. Benoît Poulain, l'ancien capitaine nîmois et joueur entre 2006 et 2014, se retrouve sans club après sa dernière expérience à Eupen.
"Je viens m'entraîner ici pendant une dizaine de jours, explique le défenseur central qui va fêter ses 35 ans dans un mois. Je ne sais pas trop ce que je veux. Je suis en recherche de sensations sur mon état physique avant de choisir mon projet sportif. Je réfléchis à la suite à un départ vers un club européen mais forcément j'y pense de revenir à Nîmes. Pour l'instant, il n'y a pas de discussion chaque côté doit voir."
"J'ai un premier bon ressenti à propos de Benoît, indique de son côté le coach Nicolas Usaï. Je suis heureux de l'accueillir dans le groupe dans lequel il se sent déjà à l'aise. Il va partir en stage à Mende et on fera le point après le match d'Annecy le 9 juillet. C'est une possibilité de recrue d'autant que le prêt de Mustapha Mbow prend du plomb dans l'aile."