Combien Vaut Vraiment Nîmes-Olympique ?
En pleine indécision sportive et financière, le club nîmois fait l’objet d’intérêts en coulisses. Alors que Nîmes Olympique est au plus mal, son président Rani Assaf est prêt à le vendre, mais pas à n’importe quel prix. Entre 8 et 10 M€. Une hérésie pour les connaisseurs du dossier.
Assaf et vente. Ces deux mots alimentent les dernières discussions de comptoir, de travail et de famille autour de Nîmes Olympique. Actuellement relégable de National, le club de football est une institution en péril. Son président Rani Assaf a déserté les lieux et ne communique plus alors qu’une vente se dessine. Un cabinet d’avocats spécialisés est même mandaté pour étudier le profil des repreneurs. Mais à quel prix ? L’ancien n°2 de Free aurait d’abord exigé entre 8 et 10 millions d’euros l’été dernier pour calmer les ardeurs des premiers prétendants, dont Guy Cotret, l’ancien président du Paris FC et d’Auxerre, venu prendre la température en juin. “Ce prix est une hérésie pour un club de National dans cet état, commente un autre entrepreneur intéressé. C’est une coquille vide aux portes du monde amateur. Il n’y a qu’un émir pour signer le chèque.”
Euro symbolique. Mobilisée depuis plusieurs mois pour réclamer le départ de Rani Assaf, l’association “Sauvons le Nîmes Olympique” ne se fait guère d’illusions. “J’ai ramené de potentiels repreneurs, mais ils ont pris peur en regardant l’état des comptes, raconte Alain Espeisse, milieu de terrain des Crocos de 1983 à 1993 et président de ce collectif de supporters. Il faut être fou pour arriver dans un club, mettre 10 M€ et en sortir directement dix autres pour simplement combler les dettes. Nîmes Olympique est mort. Je ne vois pas d’autre issue qu’un dépôt de bilan et une reprise pour un euro symbolique.”
À titre d’exemple, Châteauroux, autre club de National, a été vendu mi-janvier pour 800 000 € à Benjamin Gufflet. Dès son arrivée, cet entrepreneur bordelais va injecter 1,2 M€ dans le fonctionnement du club pour le remettre à flot. Soit 2M€ au total, une somme quatre à cinq fois moins élevée que ce qu’exige Rani Assaf et qui équivaut plutôt à un bon club de Ligue 2 selon une enquête du site spécialisé Écofoot : “La valeur moyenne en L2 est à 8,8M€ même si le prix est fixé par l’offre et la demande, et en ce moment de nombreux clubs sont en vente”. Les dernières ventes de clubs de Ligue 2 sont estimées entre 3 et 5M€.
Des joueurs sans valeur marchande. Pour un proche du club, qui souhaite garder l’anonymat : “Nîmes Olympique vaut aujourd’hui 3 M€, 2 M€ pour le complexe de la Bastide, propriété de la société professionnelle, et 1M€ pour son prestige”. À part ça, poursuit-il, “il n’y a aucune source de revenus. Les droits TV sont très faibles, la billetterie, le sponsoring et la vente de produits dérivés sont ridicules”. Mais ce n’est pas tout. Les potentiels acheteurs les plus déterminés, français comme étrangers, ne peuvent pas non plus compter sur la valeur marchande de l’équipe professionnelle. On est loin de l’époque des transferts de Téji Savanier à Montpellier en 2019 pour 10 M€, de Renaud Ripart en 2021 à Troyes pour 3,3 M€ ou de Denis Bouanga à St-Etienne en 2019 pour 3 M€. La valeur marchande des joueurs ne représente plus de possibles rentrées d’argent. “À l’exception de Brahima Doukansy (dont un éventuel transfert pourrait rapporter environ 200 000€), aucun joueur ne vaut quelque chose sur le marché des transferts, estime un agent de joueurs. Un élément de National se vend moins bien que s’il évolue en Ligue 2.”
La problématique du stade. Ce qui dégrade aussi la cote de Nîmes Olympique, c’est que les candidats à la reprise auront à régler le casse-tête des stades. Rénover celui des Costières ou pérenniser celui des Antonins ? Le stade des Costières, qui appartient toujours à la Ville de Nîmes, est inoccupé et à l’abandon en attendant un chiffrage précis de la mairie pour une possible réfection, de l’ordre de plusieurs millions d’euros.
Quant au stade des Antonins, qui appartient à la société Nemau dirigée par Rani Assaf, il pèche par absence de loges pour les VIP et partenaires, rentrées d’argent essentielles pour les clubs. Ce que sait pourtant bien Rani Assaf qui déclarait, en 2022, à La Gazette : “Les entreprises sont le premier public dont le club a besoin. Ils sont à la fois des fournisseurs et des futurs clients”. Le club Nîmes Olympique verse depuis décembre 2022, un loyer annuel de 200 000 € à la société Nemau pour les Antonins, qui paye elle même une redevance annuelle d’occupation à la mairie de 50 000 €, ainsi que l’entretien global - pelouse, gardiennage, éclairage, eau, buvettes, estimé à près d’1M€. Le bail locatif est encore valable quatre ans, mais le président de NO a tout le loisir de revendre son stade. Construit pour 11 M€ - fondations et raccordements compris -, il pourrait rapporter 4 à 5M€ en pièces détachées, selon l’estimation de son propriétaire.
La nécessaire reconstruction du club. Comme Benjamin Gufflet qui investit 1,2 M€ pour relancer Châteauroux, le repreneur de NO devra encore mettre la main à la poche pour restructurer la section professionnelle, rénover le centre d’entraînement de La Bastide et former une équipe à nouveau compétitive. “Il faudrait investir entre 3 et 4 M€ pour reconstituer un groupe ambitieux, et embaucher au moins quatre administratifs et commerciaux capables d’insuffler un nouvel élan”, évalue un ancien membre des Crocos, qui lui aussi souhaite rester anonyme. Achetée pour 4 M€ en 2010 par la société Nîmes Olympique, dirigée à l’époque par la famille Gazeau, la Bastide se dévalue au fil des années. “Le domaine est inondé au moins une fois par an, déplore un salarié. Les deux terrains synthétiques sont à changer, les pelouses en herbe sont à replanter, le bâtiment professionnel, comme la structure pour le centre de formation, nécessite des travaux de réfection. Il faudrait débourser au moins 2 M€ pour le remettre en route.” Un déménagement du centre d’entraînement sur des terrains autour de Nîmes a été exploré par Rani Assaf avant de mettre le projet entre parenthèses, tout comme celui de faire figurer Nîmes Olympique “parmi les 20 à 25 plus gros clubs français”. Sans doute devra-t-il aussi revoir le prix de son club entre 3 et 5 M€ pour espérer s’en débarrasser.
Colin Delprat