Baptiste Boyer est bien installé dans le stade des Antonins, ce 14 août 2023. Avec un ami, il assiste au premier match de la saison de l'équipe entraînée par Frédéric Bompard. Ce passionné des Crocodiles ne se doute pas un instant que c’est la dernière fois qu’il s’assoie dans les tribunes, comme un fan. Le statut de ce supporteur nîmois ne va pas tarder à basculer. Gaël Vicedomini, qui officiait depuis 18 ans, vient de quitter son poste de speaker et pour Sébastien Lipinski, le directeur du magasin Décathlon à Nîmes, le poste est fait pour son ami, Baptiste Boyer. « Je lui ai répondu que Nîmes, ce n’était pas Remoulins, la commune dans laquelle je vis et où j’officie quelquefois pour des matchs », se souvient Baptiste, avant de se laisser convaincre.

« Mon premier souvenir, c'était la demi-finale de Coupe de France contre Montpellier en 1996 »

Ce dernier est un inconditionnel de Nîmes Olympique qu’il suit depuis son enfance : « Mon premier souvenir, c'était la demi-finale de Coupe de France contre Montpellier en 1996, mais mon meilleur moment, c'était le match de la montée en Ligue 2 face à Laval en 2008. » Voilà de solides références pour les Nîmois, bien loin des tristes saisons que traverse le club. Le Remoulinois, qui possède un brevet d’éducateur, a toujours joué au football et, accessoirement, il prend le micro dans son village pour animer les tournois ou les festivités dans les arènes. Il finit tout de même par pousser les portes du NO pour passer un test à blanc.

« Je me caguais dessus »

C’est Jordan Isen, le responsable de la communication du club à l’époque, qui l’auditionne à la fin du mois d’août 2023. « J’étais un peu stressé et j'ai fait comme si c'était le soir du match. À la fin de l’essai, Jordan m’a dit que je commençais dans 10 jours ». C’est aussi simple que cela et la nouvelle voix des Antonins fait ses grands débuts le 9 septembre pour la réception de Châteauroux : « C’était beaucoup de pression, mais Gaël, mon prédécesseur, m’a prodigué des conseils qui m’ont rassuré. J’ai essayé de faire une présentation originale et j’ai senti que les gens appréciaient les anecdotes. Malgré tout, je me caguais dessus. »

« Nîmois, Nîmoises, voici votre équipe ! »

Un an et demi plus tard, celui qui a grandi entre Aramon, Montfrin et Remoulins a pris confiance et il connait par cœur le déroulé d’un soir de match : « Je quitte mon poste à Décathlon pour être au stade à 18h. En arrivant, je vais chercher le micro, puis je fais un brief avec l’équipe de la sécurité. Ensuite, je vais échanger avec le délégué de la FFF avec qui j’évoque le protocole. Enfin, je récupère la feuille de match que je distribue aux journalistes. Et viens 19h15, le moment où je rentre sur le terrain avec El Croco », détaille le speaker. Viennent ensuite les phrases habituelles : « Nîmois, Nîmoises, voici votre équipe ! » ou « Nous souhaitons la bienvenue à nos adversaires du soir, ainsi qu’à leurs supporters ».

« Mon micro est tombé en panne. J’étais dégouté »

Celui qui se décrit comme « réservé » a fini par trouver ses marques dans l’enceinte des Crocodiles. Mais le stade des Antonins n’a jamais été un lieu de fête ou de communion. Baptiste tente tout de même de réveiller le maigre public. « J’essaye d’être positif. J’aime bien donner les résultats des équipes jeunes ou annoncer le club que représentent les ramasseurs de balle. Je tente aussi de faire un clapping quand il y a un peu de monde. J’ai eu deux fois 5 000 spectateurs, dont une fois contre Sochaux (victoire nîmoise 4-2, NDLR), mais mon micro est tombé en panne. J’étais dégouté ».

« Je ne suis que le speaker, mais Mbemba est venu me féliciter  »

Cette exposition au stade a aussi rapproché Baptiste des joueurs et certains lui sont reconnaissants. « Après une victoire, les joueurs viennent me taper dans la main. Sbaï est un gars super sympa, comme Mendy et Diouf. Je ne suis que le speaker, mais Mbemba est venu me féliciter. L’année dernière, Mexique m'a donné un maillot pour mon fils ». Dans sa jolie maison du centre de Remoulins, Baptiste partage sa passion des Crocodiles en famille. « Ça fait bizarre d’entendre papa crier au micro », confesse Tiago (6 ans), qui a insisté pour avoir le même coupe de cheveux que Mathis Picouleau. Sa petite sœur, Lucia (2 ans), est encore trop petite pour s’en rendre compte. Quant à Cécile, l’épouse alésienne du speaker, elle estime que son mari a trouvé sa voie : « Ça lui va très bien. Il est passionné et fait les choses à fond. »

« Le foot l’a mené jusqu’au Qatar et moi jusqu’à Remoulins »

Un avis partagé par Sébastien Lipinski, le directeur de Décathlon : « Baptiste n’aime pas l’improvisation, alors il prépare bien les choses. Mais surtout, c'est une personne qui a un très bon contact avec les autres. » Le monde étant petit, Baptiste a retrouvé Adil Hermach avec qui il était à l’école à Montfrin avant de jouer dans la même équipe en poussin. « Il marchait sur l’eau et l’année suivante, il est parti à Nîmes Olympique », se souvient Baptiste qui poursuit avec humour : « Le foot l’a mené jusqu’au Qatar et moi jusqu’à Remoulins ! » Le speaker, qui touche une « petite rémunération », est conscient de ne pas évoluer dans une époque formidable du club, mais cela ne l’empêche pas de rêver en grand : « Le plus gros kif, ce serait une demi-finale de Coupe de France contre Montpellier au stade des Costières. Je ferai un parallèle avec mon souvenir de 1996. J’aimerais le faire, ça doit donner des frissons. Putain, ce serait extraordinaire ! ».

« Trois personnes m’ont reconnu avec ma voix »

En attendant les grandes émotions, Baptiste Boyer continue sa vie, conscient que l’aventure avec le NO peut s’arrêter. Il n’en fera pas une maladie et cette expérience lui a déjà donné du plaisir. « Trois personnes m’ont reconnu avec ma voix », souligne le vendeur du rayon running , marche, nutrition et accessoires du sportif chez Décathlon. Ce soir, sur le coup de 18h, il quittera son poste pour prendre le micro du stade des Antonins. Et à partir de 19h15, il entrera en scène pour sa 24ᵉ représentation avec son accent chantant et tellement nîmois.

Norman Jardin

CLIC SUR CERTAINES PHOTOS POUR LES AGRANDIR

RECHERCHE ARTICLE OU PERSONNALITE

16/03/205

Stanislas Golinski
Stanislas Golinski
Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes
Stanilas Golinski quand il avait 80 ans, toujours fidèle à Nîmes